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Pendant plusieurs années, les boiteries chez les ruminants étaient considérées comme des problèmes individuels et sans importance. Maintenant que l’on reconnaît leur importance économique ainsi que pour des raisons de bien-être, les boiteries sont en tête de liste des maladies importantes dans les troupeaux. Au cours des dernières années, des études économiques ont démontré des pertes considérables associées aux boiteries. Ces pertes proviennent des traitements (antibiotiques, pansements), gain quotidien diminué, perte de temps reliée aux manipulations des animaux malades, abattage devancé et mortalité. Plus de 70 % des boiteries chez les animaux en parquet d’engraissement proviennent des onglons. Les conditions les plus fréquentes sont le piétin, les abcès de sole en pince, la fourbure et des traumatismes variés. Les autres causes de boiterie en parquet sont des blessures aux membres (fractures, lacérations – 15 %), les infections des articulations (12 %) et finalement, des lésions reliées aux sites d’injection (3 %).
L’incidence annuelle des boiteries chez les bovins en engraissement est variable se situant 13 à 22 % selon les études. Les animaux avec boiteries peuvent constituer jusqu’à 70 % des abattages prématurés pour cause de croissance inadéquate. Aux Etats-Unis, ces pertes ont été chiffrées à 120 $ US par animal qui est abattu prématurément.
Une anamnèse complète et un examen physique rigoureux restent primordiaux dans le processus de diagnostic des boiteries, peu importe l’espèce. Dans certains cas, la boiterie ne sera que la pointe de l’iceberg laissant présager une condition systémique plus sérieuse. Comme les onglons sont à l’origine de la plupart des boiteries, il est essentiel de toujours les examiner chez un bovin qui boite. Pour ce faire, le membre est soulevé et attaché solidement afin de permettre un examen adéquat et ainsi traiter la condition diagnostiquée (figures 1 et 2).
L'utilisation d’une chute conçue pour le parage des sabots facilite la tâche du tailleur et améliore le confort de l'animal, tout en étant plus sécuritaire. De plus, l'utilisation d’une « cage à sabot » permet de tailler rapidement un plus grand nombre de bovins. Plusieurs modèles existent sur le marché mais on distingue deux grandes familles de chutes : une première permet de coucher l’animal sur le côté tandis qu’un second modèle permet le maintien de l'animal debout (figure 3).
Chute debout
Pour le piétin, condition la plus fréquente en engraissement, il est rarement nécessaire de lever le pied affecté. L’examen visuel est suffisant : boiterie, enflure autour du pied, température rectale. On peut classer les boiteries de la façon suivante :
(dermatite digitée)
Cette condition fortement contagieuse a été décrite pour la première fois par Dr Mortellaro en 1974 en Italie. Vers la fin des années 80, cette maladie fait son apparition en sol nord-américain et fait des ravages, en particulier dans le sud des États-Unis, principalement chez les grandes fermes laitières de l'état californien. 40 % des troupeaux californiens sont atteints occasionnant des pertes annuelles d'environ cinq millions de dollars américains. Cette maladie a traversé les frontières américaines pour se retrouver chez nous au milieu des années 90. Malheureusement, on ne connaît ni l'incidence, ni la prévalence exacte de cette maladie au Québec. Il est donc difficile d'évaluer son importance économique, mais c'est sûrement la maladie des onglons numéro un au monde présentement. Une étude récente basée sur des observations à l’abattoir a démontré que 4 % des animaux de boucherie seraient affectés par la dermatite digitée
Encore incertain, mais on suspecte fortement un spirochetes qu'on retrouve dans pratiquement toutes ces lésions. De plus, la réponse aux antibiotiques oriente les chercheurs vers une bactérie comme agent étiologique. L'environnement semble être un facteur prédisposant (stabulation libre, malpropreté).
Piétain d'Italie: lésions rougeâtre à l'arrière du pied, près du talon, dans la région interdigitée.
Si l'incidence de la maladie est élevée dans un troupeau, tous les animaux avec ou sans lésions doivent être traités ce qui est difficile à appliquer en parquet d’engraissement. Malheureusement, les récidives sont fréquentes et il est difficile de se libérer de ce fléau. Le traitement consiste à traiter les lésions localement avec des solutions d'antibiotiques, soit en aérosol ou sous forme de pédiluve (bain de pieds dans les étables à stabulation libre).
(phlegmon interdigité)
Fusobacterium necrophorum
Cette bactérie est présente dans l'environnement mais certaines conditions prédisposent l'animal au piétin : humidité élevée, stabulation libre malpropre, pâturage détrempé surtout autour des mangeoires, un sol ou un pâturage favorisant un traumatisme de la région interdigitée.
Présence de tissus nécrotiques dans la région interdigitée
Débridement, désinfection et bandage, et traitement avec antibiotiques systémiques. On contrôle la maladie en s'assurant que la surface autour des mangeoires est sèche dans les limites du possible. Un pédiluve (bain de pieds) peut être utilisé si possible. Les épidémies de piétin en parc d'engraissement sont contrôlées par l’administration d'antibiotiques (tétracyclines) sous forme de prémix dans la ration alimentaire pour une durée de cinq jours. Il est préférable de traiter les cas sévères avec des antibiotiques injectables car les bovins ont de la difficulté à se lever pour aller manger ou boire les solutions médicamentées. Un traitement local (désinfection et débridement) accompagné d’un traitement systémique (injection) augmentent les chances de succès.
Forme très sévère du piétin conventionnel qui a été décrit en Angleterre au début des années 90 et en Amérique du Nord vers la fin des années 90. Sa manifestation est sporadique et son incidence faible, c’est à dire que peu d’animaux seront infectés dans le troupeau;
Nécrose extensive dans la région interdigitée. Courtoisie du Dr Yves St-Onge, Clinique vétérinaire Laurier-Station
La détection rapide (température corporelle élevée, début d’enflure de la bande coronaire) est essentielle pour la survie de l’animal. L’administration d’antibiotique injectable est le traitement de choix ainsi que l’application du même antibiotique localement à l’aide d’un pansement ou par injection directement dans la lésion. Cette souche bactérienne est malheureusement résistante à plusieurs antibiotiques.
Il est très important de contacter rapidement votre vétérinaire si vous soupçonnez un super piétin.
(piétin d'hiver)
Cette pathologie se caractérise principalement par une inflammation superficielle de la région interdigitée sans perte d’intégrité de la peau, contrairement au phlegmon interdigité. Cette infection de l’épiderme pourrait être à l’origine des crevasses en talon, en diminuant la qualité de la corne produite dans cette région de l’onglon.
Dichelobacter nodosus
Les crevasses en talon seraient une conséquence de la dermatite interdigitée ou le piétin d'hiver
Les sites les plus fréquents sont en pince chez les animaux en engraissement
Cette maladie se caractérise par l’accumulation de débris (fumier, roche) à la jonction muraille-sole = ligne blanche. La résultante est souvent un abcès.
Présence de matériel noirâtre à la jonction muraille-sole (figure 9);
Attention aux petites lésions de quelques millimètres, elles peuvent cacher un abcès en profondeur.
Infection de la ligne blanche : présence de matériel noirâtre au niveau de la ligne blanche, c'est-à-dire à la jonction de la muraille et de la sole
L'évolution de cette condition et les signes cliniques sont plutôt discrets et insidieux chez les bovins, d'où l'appellation de fourbure sub-clinique. L'importance économique de cette condition est sous-estimée. La fourbure sub-clinique a été incriminée dans les abcès en pinces, les ulcères de sole, ainsi que les érosions du bulbe.
Fourbure chronique : il y a présence de plusieurs sillons horizontaux une conséquence de la mauvaise pousse de la corne
Fourbure subclinique : décoloration rougeâtre et jaunâtre de la corne solaire
Le traitement varie selon les lésions trouvées lors du parage.
La prévention consiste principalement :
A - À prévenir l'acidose ruminale :
B - Confort des animaux :
(arthrite septique)
Les problèmes articulaires sont d'origine infectieuse, dégénérative (arthrite), traumatique ou congénitale. La présentation clinique, le pronostic et le traitement varient énormément selon l’origine du problème.
L'arthrite septique chez le bovin est d'origine bactérienne dans une majorité des cas. Elle peut être causée par une plaie pénétrante direct sur l'articulation, une infection adjacente à l'articulation qui, éventuellement, va contaminer celle-ci, ou par une infection systémique comme une pneumonie. Dans cette dernière catégorie, la bactérie prend la circulation sanguine et va se loger un peu partout dont les articulations. Chez l'animal adulte, les traumatismes directs sont plus fréquentes (lacération, corps étranger) mais chez les veaux, ce sont surtout des infections systémiques (infection ombilicale, pneumonie, diarrhée). Les bactéries isolées des articulations dépendent de l'origine de l'arthrite. Depuis quelques années, Mycoplasma bovis est impliqué dans plusieurs pathologies dont les infections des articulations. Une pneumonie est à l’origine du problème et l’infection se dissémine dans une ou plusieurs articulations. Les antibiotiques telles que la tétracycline, la spectinomycine (Adspec), la timilcosine (Micotil) et le florphénicol (Nuflor) ont une certaine efficacité contre les mycoplasmes mais un traitement prolongé (10 à 14 jours et même plus) est souvent nécessaire afin d’enrayer l’infection totalement et de diminuer les chances de récidives.
Une boiterie sévère (degré 2) d'apparition soudaine est sans aucun doute une des caractéristiques prédominantes de l'arthrite septique. Les signes d'atteinte systémique sont plus ou moins variables selon la cause de l'arthrite et la chronicité de la maladie (température élevée, respiration et cœur rapides, diminution d'appétit). L'articulation sera chaude, distendue, douloureuse et les mouvements sont limités (figure 12). De plus, s’il y a une plaie au niveau de l’articulation (figure 13) où un diagnostic d’atteinte systémique est posé (infection du nombril, pneumonie, etc.), on doit soupçonner fortement la présence d'arthrite septique. Nous devons inclure dans le différentiel, les autres pathologies articulaires : rupture ligamen-taire, fracture articulaire et arthrose.
Les antibiotiques sont essentiels au traitement de l’arthrite septique. Ils ont pour but d’aider l’organisme à contrôler l’infection qui a envahi une articulation occasionnant des dommages, via plusieurs mécanismes, dont l’inflammation et la présence de pus. Bien qu’essentiels au traitement, ils ne constituent pas le seul élément
thérapeutique et doivent être combinés à d’autres traitements, entre autres les anti-inflammatoires et le lavage articulaire
(irrigation de l’articulation avec une solution stérile), et dans les cas plus sévères, l’arthrotomie (ouverture de l’articulation).
L’environnement des bovins est propice aux blessures : sol glissant, barrières, machineries, entassement dans des lieux exigus. Les traumatismes les plus fréquemment rencontrés sont les fractures des os longs, les lacérations des membres distaux et les avulsions (arrachement) d’onglons. Les os les plus souvent fracturés sont les métacarpes (avant) et les métatarses (arrière) (figure 14). Mais tous les os du corps peuvent se fracturer (mandibules, tibia, fémur etc.). Le diagnostic est souvent évident car il y aura une déviation anormale. Il est primordial de déterminer à ce moment si la fracture est ouverte ou fermée. La présence de sang ou la visualisation d’un os qui sort de la plaie est compatible avec une fracture ouverte. Si la fracture est ouverte, l'abattage d'urgence est la meilleure solution pour les animaux commerciaux.
Fracture fermée du métacarpe distale : remarquez la déviation interne importante à partir du boulet
Les fractures distales fermées peuvent être traitées avec un plâtre (figure 15). Aussitôt la fracture diagnostiquée, elle doit être immobilisée jusqu’à ce que le vétérinaire examine l’animal. Une attelle à l’aide de tuyaux de PVC ou de morceaux de bois (figure 16) en incluant les articulations en bas et en haut de la fracture éviteront que la fracture devienne ouverte.